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A fast forward trip to the future…

27 Juillet 2019 , Rédigé par Philippe Caussanel

Il y a quelques semaines, je consultais ce blog avec un petit brin de nostalgie, notamment les quelques articles rédigés par les enfants.

L’année dernière, pratiquement à la même époque, nous étions tous les cinq à la Pointe aux Canonniers pour une petite semaine, mais nous n’avions rien écrit.

Cette année, pas de voyage en famille, mais un grand voyage juste pour moi, le genre d’expérience dont l’on se souvient longtemps et que l’on ne souhaite partager avec d’autres, égoïstement.

A fast forward trip to the future…

La date du départ est fixée, le compte à rebours enclenché. On ne relève pas ce genre de défi sans s’entraîner pour être au top physiquement. Presque tous les jours, je roule, je cours ou je nage.

 

Arrivé à Montpellier, je continue en diminuant l’intensité des séances dans les tous derniers jours, ce que l’on appelle « l’affûtage » dans le jargon sportif.

L’inquiétude monte lors de la consultation préparatoire à l’opération, avec l’énumération des risques mais le personnel est très pro, le protocole bien ficelé.

Mes affaires sont prêtes. J’ai acheté plusieurs caleçons et boxeurs. J’ai des tee-shirts plein ma valise pour les jours à venir.

La veille au soir, je ne suis pas serein à 100% mais je ne prends pas le cachet sensé prévenir l’insomnie.

Le lendemain matin, je descends vers la salle de départ. Encore une fois, le personnel est au top. Tout est fait pour vous rassurer. On vous parle beaucoup pendant la préparation puis c’est le grand départ.

 

Je me réveille. Je suis arrivé à destination de ce voyage express vers le futur, avec cette impression étrange que je me suis endormi la minute précédente.

Hier, je courrais, je faisais du vélo. En quelques secondes, j’ai quitté le monde des valides pour celui des grabataires.

Je suis allongé sur ce lit que le brancardier, dans la foulée de mon réveil, amène dans le service des soins continus : quelques chambres seulement, donnant toutes sur une pièce centrale où se retrouve le personnel soignant, « presque à portée de main ».

On m’installe dans cette grande pièce assez austère, avec tous les appareils nécessaires au suivi médical. Pas de salle de bain, juste un lavabo, ce qui m’interpelle un petit peu.

Je suis équipé comme un champion, un cathéter à chaque main, un brassard pour la pression artérielle, un tube pour l’oxygène devant le nez, une péridurale dans le dos et deux drains à partir de l’abdomen, je suppose. Du moins, c’est ce que l’on m’a dit lors de la séance d’information avant le grand voyage.

Pour compléter ma panoplie de voyageur du futur, on trouve une large sangle abdominale et des bas de contention, certainement pour supporter les quelques g de ce déplacement dans le temps à la vitesse de la lumière.

J’ai peu de sensations du bas de mon corps si ce n’est que je peux bouger mon pied droit, ce qui me rassure.

Je suis shooté. Je dors beaucoup mais je guette avec une certaine inquiétude ma première envie de faire pipi. Comment vais-je faire ?

 

Le personnel vient à intervalles réguliers -de jour comme de nuit- contrôler les données fournies par les appareils (notamment  la pression artérielle grâce au brassard que j’ai en continu et qui se gonfle automatiquement toutes les heures…), mesurer le volume du liquide évacué par les drains et remplacer les doses de perfusion.

 

Première nuit, avec des douleurs dans le dos, notamment au dessus de la zone abdominale « prise en charge » par la péridurale. Le chirurgien et le kiné vont avancer plusieurs raisons à ces douleurs qui vont s’amplifier les jours suivants : les sept heures d’opération sur le dos, le nerf crural abîmé qui est en connexion avec tout le réseau nerveux, le diaphragme… sans compter les petites douleurs annexes : mal de gorge lié à l’intubation pendant l’opération, les cathéters qui bougent… 

Il me faut apprendre à dormir sur le dos, moi qui dors systématiquement sur le côté.

Je guette toujours ma première envie d’uriner qui ne vient pas, pourtant j’ai soif et je bois. Je ne vais quand même pas faire pipi au lit !

Le matin, c’est le ballet des personnels soignants. On me demande si je souhaite prendre un petit déjeuner mais je n’ai vraiment pas faim -peut-être une compote…- puis c’est l’heure de la toilette.

Au royaume des grabataires, on ne choisit pas l’heure de sa toilette. Une inconnue se présente et vous annonce que vu votre état, on va s’occuper de vous.

Moi qui suis pudique, depuis hier, je suis à poil ou quasiment, vêtu d’une « chemise » de l’hôpital, un vêtement que l’on ferme derrière avec des lanières et c’est tout. Mes beaux caleçons et mes tee-shirts ne me serviront pratiquement pas pendant mon séjour.

C’est à ce moment que je découvre que l’on m’a aussi installé une sonde urinaire qui inhibe mes envies de faire pipi. J’urine sans en avoir conscience. Ce monde du futur est quand même extraordinaire.

Je fais ensuite la connaissance du kiné, adorable. Au programme, techniques de respiration et position assise sur le bord du lit. J’ai la tête qui tourne.

Je vais de découverte en découverte…

 

Ainsi commence mon fast forward trip to the future.

 

Je vous épargne les caprices de mon transit intestinal, ces intestins, ce second cerveau stressé par l’opération et qui se mettra en sommeil pendant cinq jours, les longues séances de rééducation fonctionnelle qui monopolisent toute votre énergie physique et mentale.

Si le voyage aller fut supersonique, le voyage retour est très lent.

On vit au ralenti, à l’écoute d’un corps affaibli qui vous dicte le rythme de vos journées et vous apprend la patience.

 

En rentrant à La Réunion, l’aventure continue. Je ressens le froid de l’hiver austral comme jamais, emmitouflé dans mon pull, moi qui ne suis pas du tout frileux. Je sombre en fin d’après midi dans une douce léthargie, je lutte contre le sommeil jusqu’au dîner en famille et je n’aspire qu’à une chose : retrouver mon lit au plus vite, lire quelques pages sous la couette avant de sombrer jusqu’au lendemain matin.

 

C'est un voyage que je ne souhaite à personne même si je dois avouer que ce fût, malgré tout, une expérience enrichissante à bien des égards.

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